Note de réflexion

 

 

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Author: Jean-Claude Muller, 穆卓Executive Editor at BtoBioInnovation  jcm9144@gmail.com

 

 

SPECIAL REPORT 24.10

 

Note de Réflexion de Rentrée

 

Pour un grand nombre de Français l’été 2024 aura été ponctué de quelques grandes singularités.

 

En premier parce que l’évènement des Jeux Olympiques suivi de celui des Jeux Paralympiques a constitué un moment exceptionnel et inoubliable avec de la ferveur, de l’enthousiasme, de la joie de vivre ensemble, du festif, de la solidarité, de la fierté inconnus en France depuis 1998 et même à cette époque, le phénomène n’avait duré qu’une semaine. Bref une parenthèse enchantée dont les Français avaient bien besoin. On a pu y retrouver ce qu’il y a de meilleur chez les Français. Le mérite en revient au Comité d’Organisation de Paris 2004, Tony Estanguet en tête mais aussi aux 45 000 bénévoles, aux agents de sécurité et surtout aux athlètes d’avoir permis ce grand moment de communion entre toutes et tous alors que par ailleurs presque partout dans le monde c’est la morosité qui domine les esprits.

 

Singulier parce que depuis le 7 juin, avec la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président Emmanuel Macron, les Français vivent un épisode politique inédit. Trois blocs avec des forces comparables, sans majorité ni dans les urnes, ni sur les programmes pour les uns comme les autres. Dans de très nombreux pays, une telle situation est habituelle et il s’agit alors de trouver des compromis afin de construire et de conduire des coalitions de gouvernement ou de projets et souvent le résultat est très satisfaisant. Nos politiques rejettent et censurent d’emblée des programmes qu’ils n’ont même pas vus ou lus. Cela dénote clairement un manque flagrant de maturité de ces politiques où l’intérêt immédiat, personnel ou celui du parti passe bien avant l’intérêt collectif et celui du pays : autrement dit ce qu’il y a de pire chez les politiques et que les Français vont redécouvrir et probablement détester dans les mois à venir lors des joutes verbales à l’Assemblée Nationale et dans les médias.

 

Singulier parce que contrairement aux années précédentes la météo a été maussade, très instable sur une grande partie de la France. Quelques jours de beau, suivis immédiatement de trois jours de pluie ou même de grande fraîcheur. C’est d’autant plus prégnant pour les Français que le printemps a déjà été très pluvieux et peu agréable. Cette situation aura permis à l’auteur de ces lignes de passer un peu plus de temps à la lecture d’ouvrages, de documents et de notes dont vous trouverez un synopsis ci-dessous.

 

Crise politique, crise de régime, élections volées, insécurité, pouvoir d’achat, déficit public, fiscalité, inégalités sociales, déclassement sont les mots les plus fréquemment entendus une fois que l’enchantement des Jeux de Paris 2024 fut passé.

 

« Mais que veulent réellement les Français ? » Eric Boucher en fait une analyse fine dans un article publié dans Les Echos du 6 septembre 2024.

« Les Français sont prêts à accepter des sacrifices, pour peu qu’ils soient justement répartis et surtout que leur but soit réaliste » écrit il. Au moment où de grands bouleversements du monde, du déclin de l’Europe appellent à regarder loin devant nous, les politiques font le contraire. Il aura fallu près de cent jours pour former un gouvernement autour de Michel Barnier et tout laisse à croire qu’il n’y aura aucun consensus au Parlement pour soutenir son action.

Combler le déficit abyssal par des hausses d’impôts est le réflexe naturel de tous les gouvernants français depuis un demi-siècle alors que la première des priorités devrait être la baisse des dépenses publiques qui s’élevaient à 57,3% du PIB en 2023. Le slogan devrait être « Dépenser moins mais dépenser mieux ». J’ai entendu et expérimenté ce concept pour la première fois à mon arrivée aux Etats-Unis en 1979 « Do more with less » dans une entreprise du secteur privé. La hausse des impôts ou des prélèvements sociaux n’a aucun sens sans remise en cause du contenu de la dépense. Chaque individu, chaque foyer, chaque entreprise non obstant sa taille sait et effectue régulièrement cet exercice : pas l’Etat Français. C’est un débat crucial qui doit s’ouvrir avec calme, objectivité et sérénité.

Le programme économique.

Thomas Piketty l’auteur du « Capital au XXIème siècle » a fortement influencé le programme économique du Nouveau Front Populaire afin de palier aux inégalités sur le long terme. Son dogme sur les inégalités est fortement challengé par Daniel Waldenström, un économiste suédois qui selon ses propres recherches prend des positions tout à fait différentes de celles de Thomas Piketty.  Waldenström tire cinq conclusions esquissées ci-dessous.

Premièrement il démontre, contrairement à de nombreux économistes, que l’économie n’est pas un jeu à somme nulle : ce n’est pas parce que certains s’enrichissent que d’autres s’apprauvrissent. « Je n’ai aucun problème à m’enrichir si je n’appauvris personne » disait Bill Gates il y a plus de vingt ans.

Deuxièmement l’accession à la propriété s’est avérée un investissement très rentable sur le long terme et a diminué les inégalités parce que la classe moyenne a pu investir dans la pierre. A ce stade il n’est pas inutile de regarder l’évolution du prix de l’immobilier par rapport à celui du salaire moyen en France depuis 1950. Sur une base 100 en 1950, le salaire moyen est passé de 100 à 6500 celui de l’immobilier (et plus ou moins du loyer) est passé de 100 à 48 500. Ces données méritent deux lectures : l’immobilier a constitué un investissement aussi rentable que celui de la Bourse (soi-disant réservée aux riches…). La deuxième est que la proportion de dépenses dues au loyer ou à l’investissement immobilier a augmenté 7,5 fois plus rapidement que le salaire moyen, d’où un affaiblissement structurel conséquent du pouvoir d’achat.

L’épargne pour la retraite est une richesse présente ou future qui réduit les inégalités.

L’impôt sur le revenu nécessaire pour financer la dépense publique n’a aucun effet sur la réduction des inégalités, même s’il sert aussi à de la redistribution vers les plus défavorisés.

Enfin et c’est assez inattendu Waldenström recommande de taxer les revenus du capital et non le patrimoine. La réduction des inégalités est d’avantage accentuée par l’accumulation de richesse par la classe moyenne que par des impôts sur la richesse. C’est la constitution d’une classe moyenne qui accumule de la richesse pour investir dans le logement, l’éducation, la santé et les assurances qui permet le développement d’une économie sur le long terme C’est très précisément ce que l’on a pu voir dans la croissance des pays émergents (Chine en tête, Inde, Brésil, Turquie, Inde, Indonésie, Mexique…)

Le Budget.

L’élaboration d’un budget d’un Etat, d’une administration, d’une entreprise est l’acte fondateur de l’exercice de l’année N+1. Dans les structures importantes cette construction débute généralement au mois de juin, par des lettres de cadrage qui donnent les grandes orientations et se termine en novembre/décembre par la validation dans un Comité Exécutif, un Conseil d’Administration ou par un vote au Parlement. L’élaboration d’un budget de crise est un exercice difficile, toujours tendu. C’est le cas actuellement pour le gouvernement de Michel Barnier. La pire des solutions est celle qui consiste à reconduire le budget de l’année N et de le réduire uniformément de x pour cent sur toutes les lignes budgétaires ou sur toutes les divisions ou tous les Ministères. Cela consiste en un « mitage » inefficace puisqu’il reconduit à l’identique l’exercice N avec des moyens réduits et ne corrige en rien les déficiences existantes. « Pourquoi voulez vous remettre les mêmes moyens, en plus ou en moins dans une organisation qui n’est pas performante ? » me demandait un ancien Directeur Général d’une grande probité. C’est très exactement ce qui se passe en France depuis des décennies. Le constat est partagé : le service public et ses dépenses ne répondent pas au besoin de nos concitoyens et la réponse naturelle est d’y consacrer plus de moyens au lieu de refondre complètement son organisation et son fonctionnement. Dans un cas comme celui de la France en septembre 2024, il est impératif de construire un budget du haut en bas en appliquant les quelques priorités stratégiques et en remettant en cause toutes les dépenses actuelles, poste par poste, ligne par ligne, division par division, ministère par ministère en challengeant chacune d’entres elles : frais de personnel, frais de fonctionnements, frais d’infrastructures, frais d’investissements, frais d’amortissements, frais externes, frais divers, etc… Aucune dépense, aucun engagement ne doit être pérenne pas même celle des postes de dirigeants. Pour chacun d’entre eux la même question doit se poser : comment faire mieux avec moins. Les réponses sont souvent existantes chez les utilisateurs eux-mêmes et il suffirait parfois de les écouter et de les entendre.  Ils sont les premiers à identifier et à subir les redondances et les fonctionnements ineptes. C’est évidemment plus complexe, parfois polémique et même véhément de la part des acteurs les plus impactés lorsqu’il s’agit de réduire substantiellement les effectifs d’un secteur ou d’une administration. C’est un processus qui demande du temps, des itérations, des ajustements, des compromis qui sont chronophages et stressants. L’urgence est l’un des ennemis à combattre. C’est là que le courage politique et la transparence des dirigeants doivent s’exercer avec lucidité et fermeté. C’est là que malheureusement les tractations politiques opaques sont les plus néfastes à l’efficacité du processus.

Le pouvoir d’achat.

Sauf pour quelques rares investisseurs chanceux, le pouvoir d’achat est directement lié au fruit du travail et indirectement à celui des pensions de retraite. Nous avons déjà signalé plus haut que la hausse plus rapide du prix de l’immobilier que celle du salaire moyen a fortement grevé le pouvoir d’achat des Français. Le slogan cher à Nicolas Sarkosy « Travailler plus pour gagner plus » n’est plus en vogue et un diagnostic surprenant montre qu’en France la durée que nous passons à travailler ne diminue plus alors que le nombre d’années passées au travail augmente. Dans un ouvrage intitulé « Sortir du travail qui ne paie plus » Antoine Foucher, ancien directeur de cabinet de la ministre du Travail, Muriel Penicaud, formule quelques observations et préconise quelques actions. Il constate que dans la situation actuelle les salariés peuvent réagir de trois manières :

  • En développant une sorte de résistance ou en quittant l’entreprise (Big quitting)
  • En s’investissant de manière plus distanciée (Quiet quitting)
  • En recherchant un sens plus accru dans leur activité professionnelle (Job Crafting)

Son constat n’est pas un rejet du travail en lui-même, mais de celui d’un emploi peu gratifiant et peu rémunérateur. Le travail perd de sa valeur s’il n’est pas un vecteur d’épanouissemnt professionnel et personnel. C’est le message principal que les jeunes envoient à leurs employeurs et qui laisserait croire qu’ils ont un problème avec le travail.

« Travailler mieux pour gagner plus » semblerait plus judicieux pour cette génération.

Travailler mieux mais comment ?

Premier constat. L’évolution de la démographie et de notre système de répartition entraine inéluctablement l’impossibilité d’envisager que le temps de travail dans la vie continue à diminuer, sauf à encore augmenter les prélèvements sociaux des salariés ou à diminuer drastiquement le niveau des pensions de retraite. Dans une interview de Nicolas Marques, directeur général de l’Institut économique Molinari, publiée dans le numéro de Valeurs Actuelles du 4 juillet 2024, il affirmait que « Préservation du pouvoir d’achat et retraite précoce sont à ce stade incompatibles. »

La formation dans l’enseignement et la formation continue.  L’accent mis, depuis quarante ans, sur les activités de services a certes créé de nombreux emplois, mais pas suffisamment d’emplois rémunérateurs. Il faut à présent porter les efforts sur des emplois industriels productifs, le numérique et les services de « haute qualité ». La numérisation, l’intelligence artificielle et la robotisation des emplois ne doivent pas simplement avoir comme objet de remplacer des salariés mais de promouvoir leur qualification et donc leur rémunération. Cette transformation exige une réforme en profondeur de l’enseignement secondaire et de celui du supérieur mais également la promotion du travail dans l’entreprise et dans les services publics. Il n’y aura pas dans le court terme plus de revenu avec moins de travail.

La flexibilité dans le travail. Bien évidemment la possibilité de pouvoir bénéficier d’un certain temps ou parfois même de temps choisis consacrés au télétravail est une demande forte de tous les salariés. Mais ils sont aussi de plus en plus exigeant sur une autre répartition du travail sur un temps de vie : travailler intensément en début de carrière, puis moins d’heures lorsqu’on assume une vie de famille, du temps partiel lorsque les cadences le permettent, négocier des mutations sectorielles ou géographiques, obtenir des « temps sabbatiques » quelques fois dans une vie professionnelle, d’avoir accès à des formations continues valorisantes et ultimement de pouvoir bénéficier « d’un droit d’organiser sa vie selon des règles claires, équitables et transparentes » selon Antoine Foucher.

Une telle flexibilité ne peut s’envisager qu’à condition que les employeurs prennent conscience que leur actif le plus précieux est la somme des compétences de leurs collaborateurs et acceptent l’idée que l’intelligence collective est parfois supérieure à celle des dirigeants.

Le déclassement de la France.

A quelques exceptions près c’est un ressenti de tous les Français. Il s’affirme par la perte ressentie de leur pouvoir d’achat et par la publication de classements mondiaux où la France ne fait que reculer. Une première raison vient de l’émergence de pays peuplés devenus des puissances nouvelles (celles déjà citées plus haut) dont la classe moyenne a fortement augmenté et qui ont la capacité de produire des objets manufacturés de qualité à des prix très compétitifs. Une deuxième raison est une conséquence directe de la baisse de notre productivité et de la diminution des jours travaillés fournis par an par les Français.

La troisième est que l’Etat et la grande majorité des entreprises (pas celles du CAC 40) n’ont pas suffisamment investi ni dans l’outil productif, ni dans la formation des salariés, ni surtout dans l’innovation.

Pour mieux comprendre cette situation qui n’est pas que Française il faut lire le rapport récent « The future of European Competitiveness » de Mario Draghi. La profondeur de ses réflexions mérite d’autant plus que l’on s’y attarde alors que deux pays, la France et l’Allemagne s’y opposent, l’un par inanité, l’autre par inertie. Le message distillé par Draghi est magnifiquement clair sans « un coup de rein L’Europe va stagner et son modèle multinational et social s’effondrera ».

La France est trop endettée et trop faible par son absence dans le numérique pour s’en sortir. La solution ne peut être qu’européenne par la croissance, la compétitivité, la production, l’innovation, un vocabulaire rejeté par les partis extrêmes français qui lui préférent démagogie ou idéologie, deux comportements mortifères. Mario Draghi constate que le libéralisme, le marché unique et l’orthodoxie budgétaire ne correspondent plus à l’époque actuelle et qu’il faut comme le font les Etats-Unis et la Chine accélérer l’innovation en mariant le marché et l’Etat comme ce fut le cas dans certains secteurs durant les Trente Glorieuses. Il évoque un fonds roulant de 350 milliards dans une première étape. Le 24 septembre la Chine vient d’annoncer un plan de relance de 150 milliards de dollars pour « booster » son économie. Pour rappel l'IRA (Inflation Reduction Act of 2022) est une loi américaine sur la réduction de l'inflation promulguée par Le Président Joe Biden le 16 août 2022. L'IRA mobilisera sur dix ans 369 milliards de dollars pour soutenir l'industrie verte. C’est avant tout une initiative protectionniste inédite aux Etats-Unis envers les industries européennes et chinoises.

Il ne s’agit pas de donner plus de moyens et de pouvoirs à la Commission Européenne, mais de faire émerger des politiques de « Plan à Long Terme » dans des secteurs reconnus d’utilité par les 27 et d’en faire une immense « Usine à Projets Multinationaux » compétitive et pourvoyeuse d’emplois hautement qualifiés.

Le courage politique.

Ce n’est pas la qualité première reconnue à nos élus et à nos dirigeants politiques. En France, depuis juillet 2024, trois blocs plus ou moins égaux s’affrontent et les mots de « compromis et de coalition » sont tabous.  Les parlementaires critiquent depuis toujours l’excès de pouvoir du Président de la République sous la Vème République mais s’avèrent impuissants à faire fonctionner le parlementarisme si revendiqué par eux-mêmes. En Allemagne c’est l’émergence d’une extrême droite puissante qui inhibe l’action politique. Il faut y rajouter une bonne dose de crainte sur l’avenir économique. La croissance allemande construite sous le parapluie américain, avec le gaz russe pour des débouchés chinois ne fonctionne plus depuis 2022. Importer de la technologie numérique américaine pour la mettre dans ses voitures, ses machines outils et ses robots est devenu caduque. Comme la France, l’Allemagne doit impérativement innover par elle-même. Son industrie automobile fait l’amer constat que la Chine produit de meilleures voitures électriques que ses propres fleurons. Elle fait d’ailleurs tout ce qui lui est possible pour maintenir les automobiles thermiques sur le continent européen contre l’avis des ministres écologiques de la coalition qui dirige le pays.

Pour les politiques Français il ne s’agit pas simplement d’améliorer le quotidien des Français mais de les armer moralement et structurellement face aux crises et aux difficultés inéluctables. Comme évoqué ci-dessus il faut que nos dirigeants soient transparents sur leurs intentions réelles et que les efforts demandés au Français soient justement répartis.

« Le gouvernement des hommes est une tension permanente et héroïque entre vision, volonté et soumission » écrivait Charles de Gaulle dans Les Mémoires de Guerre.

Rédigé à Paris, 25 septembre 2024 sans l’aide de ChatGPT ou autre outil d’IA générative

 

 

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