L’Election à la Présidence Américaine et la « Trumpisation » de la Politique

 

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Author: Jean-Claude Muller, 穆卓Executive Editor at BtoBioInnovation  jcm9144@gmail.com

 

 

 

SPECIAL REPORT 24.12

 

L’Election à la Présidence Américaine et la « Trumpisation » de la Politique

 

Mardi 15 octobre 2024, trois semaines avant les élections américaines.

L’analyse des sondages des intentions de vote pour l’élection de la Présidence américaine entre Kamala Harris et Donald Trump montre une très grande homogénéité entre les différents médias ou instituts de sondage. Le New York Times: Harris 49%, Trump 47% The Economist: Harris 50,3%, Trump 46,9%. L’Institut 538 : Harris 48,6%, Trump 46,1% et pour la BBC : Harris 49%, Trump 46%. Avec très peu de changements depuis le débat télévisé du 10 septembre entre les deux candidats, même s’il semble y avoir une petite augmentation des intentions pour Trump depuis quelques jours. Ces sondages, dont la marge d’erreur est au moins de 2%, montrent clairement que le scrutin fédéral n’est pas acquis ni pour l’un ni pour l’autre des candidats et que ce seront comme nous l’avons déjà évoqué quelques centaines d’électeurs dans l’un ou l’autre « swing state » (Etat pivot) qui décideront du nom du 47ème Président des Etats-Unis. Pour rappel, en 2000, Al Gore a perdu les élections parce que George W. Bush avait récolté 537 voix de plus que lui en Floride. De plus et ce n’est pas contradictoire, il n’est pas exclu qu’un évènement géopolitique ou un fait divers majeur « d’octobre » fasse bouger le trébuchet en toute fin de campagne. Mais quelle que soit l’issue du vote américain du 5 novembre 2024, nous assisterons à une « trumpisation » de la politique américaine et par proximité, ricochet ou contamination à un phénomème comparable en France.  Cette note de conjoncture va s’attacher à le montrer.

« Trumpisation » un néologisme, souvent utilisé et qui consiste, comme le fait systématiquement Donald Trump, « à rendre compte d’évènements en ne se souciant ni de savoir si les faits sont exacts, ni de ses effets négatifs ou collatéraux, pourvu que l’impact soit important et surtout clivant. »

 

Donald Trump, qui n’est guère reconnu ni comme un intellectuel, ni comme un doctrinaire éclairé, surfe très habilement sur cinq thématiques que nous avons retenues dans cette note et qui dépassent largement le seul cadre des Etats-Unis, au point que d’autres femmes et hommes politiques lui emboîtent le pas avec plus ou moins d’habileté et d’opportunisme calculé.

 

Les trois premiers thèmes souvent denommés les « 3i » sont : l’inflation l’immigration et l’insécurité.

 

L’inflation.

Elle a été très forte aux Etats-Unis entre 2020 (1,2%), 2021 (4,70%), 2022 (8,00%) et 2023 (3,40%) et sera de l’ordre de 2,9% en 2024. Les salaires ont certes augmenté, le prix de l’essence a baissé (il a atteint plus de 6$/gallon au pic), mais les loyers et le prix de l’alimentation de base n’ont guère baissé et tous les Américains le ressentent nettement lorsqu’ils vont au supermarché chaque semaine ou payent leurs échéances mensuelles. Les Américains sont très sensibles aux taux de l’inflation et aux taux d’intérêts pratiqués par les banques parce que leurs hypothèques « mortgages » et leurs cotisations d’assurance et aux caisses de retraites sont directement alignées sur les taux de l’inflation. A ce jour les Américains estiment toujours que l’inflation est trop forte, que les loyers sont très élévés, que l’accession à la propriété est devenue impossible et que le gouvernement démocrate en place entre 2020 et 2024 n’a pas pris les mesures qu’il aurait pu actionner pour juguler l’inflation.

 

En France on parle moins d’inflation et plus de pouvoir d’achat. L’inflation a été moins forte qu’aux Etats-Unis entre 2020 (0,52%), 2021 (1,6%), 2022 (5,2%) et 2023 (4,9%) et sera de l’ordre de 2,5% en 2024. Les gouvernements successifs sont fortement intervenus pour réguler les prix, soutenir l’activité économique par des aides et des emprunts d’Etat et indexer certains salaires. Pour de nombreux Français le « quoi qu’il en coûte » n’aurait guère de conséquences économiques ou budgétaires une fois que l’on en sortirait. Le ressenti en France est rigoureusement le même que celui des Etats-Unis, les prix de consommation quotidienne ont augmenté plus rapidement que les salaires, les retraites et les revenus du travail. Il y a cependant une différence fondamentale entre les deux pays. Aux Etats-Unis tout le monde a envie de devenir riche et vite et admire ceux qui y parviennent. En France on exécre les riches et la « vox populi » laisse entendre quil faut les surtaxer !!! « Je n’ai aucun problème à m’enrichir si je n’appauvris personne » disait Bill Gates il y a plus de vingt ans.

 

L’immigration.

Aux Etats-Unis l’immigration est de deux types : l’immigration légale (environ 2,5 millions de sujets par an) qui s’adresse à toutes les populations mondiales au travers de visas de séjours, de travail, d’études et d’obtention de cartes vertes (séjours permanents) et l’immigration illégale. Les partisans de Trump ont indiqué qu’en 2024 1,1 million d’immigrés illégaux étaient entrés par la frontière du Mexique et qu’il était urgent de continuer à construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique. L’immigration illégale est essentiellement d’origine sud-américain, que l’on appelle communément « latinos ». L’immigration américaine est depuis toujours « un melting pot » qui a débuté par l’apport d’esclaves noirs venus d’Afrique et des Caraïbes, puis entre 1920 et 1970 par ’une immigration essentiellement européenne et depuis les années 70 une forte immigration asiatique et latinos. Les projections démographiques montrent que, sauf changement radical, en 2050, la population caucasienne ne représentera plus que 55% de la population américaine. En ce sens Kamala Harris, née de père jamaïcain et de mère indienne est déjà une représentation exemplaire de cette nouvelle diversité ethnique américaine. Si Donald Trump est élu en novembre 2024, il menace d’expulser 1 million d’immigrés illégaux dès son investiture en janvier 2025.

 

En France l’immigration légale et illégale est essentiellement d’origine africaine et plus particulièrement maghrébine. Elle est de plus associée à une islamisation plus ou moins radicale de la population, rendue d’autant plus visible par les signes extérieurs ostentatoires qui ont rapidement fait irruption dans le quotidien des Français pratiquement partout sur le territoire national. Enfin il est utile de signaler que des entreprises « avides de main- d’oeuvre non qualifiée » alimentent de manière perverse une immigration illégale qui les sert. Alors qu’aux Etats-Unis la population s’hybride, se métisse, devient multiculturelle, multiethnique et multi confessionnelle, en France on évoque le « Grand Remplacement ».  « Il s’agit à la fois de faire peur et de faire haïr pour faire agir dans un certain sens » écrivait Pierre-André Taguieff dans Du Diable en Politique. Le sujet est à présent un enjeu politique majeur et clivant entre gauche et droite. A ce stade il est important de signaler que des intellectuels de gauche n’ont pas hésité à accuser le Parti Socialiste français d’avoir commis une faute politique grave en ignorant le thème de l’immigration et en laissant le monopole à l’extrême droite. « L’immigration n’est ni un bien en soi, ni, à rebours, un mal par nature. L’appréciation à porter sur elle ne saurait être générale et absolue : elle ne doit être que particulière et relative… Dans ce domaine tout est affaire de contexte, de proportion et de rythme » écrit Aquilino Morelle dans la Parabole des Aveugles.

Le 13 octobre, Maud Bergeon la porte-parole du gouvernement annonçait une « nouvelle loi immigration » en 2025.

 

L’insécurité.

Elle est forte aux Etats-Unis et se ressent essentiellement dans les zones fortement peuplées. Il y existe, comme dans quelques pays, des zones de non droit, bien que la police locale n’hésite pas à y pénétrer et à y rétablir l’ordre et le droit. L’insécurité y est due en grande partie à quatre phénomènes : les gangs et leurs lois, le trafic de drogues et de stupéfiants, les « délaissés de la rue » et les armes à feu.  Les overdoses d’opoïdes et de leurs analogues synthétiques ont mis des centaines de milliers de « zombies » dans les rues des grandes villes, qui sont prêts à dévaliser, à grièvement blesser ou même à tuer un passant pour quelques dollars. « Selon les Centres de prévention et de contrôle des maladies américains (CDC), plus de 564 000 Américains sont morts d'une overdose de l'un de ces produits entre 1999 et 2020. Et la crise s'est accélérée : les opioïdes ont coûté la vie à près de 82 000 personnes entre février 2021 et février 2022, recense l’agence fédérale dans un de ses derniers bilans. » L’autorisation du port d’armes par n’importe quel citoyen américain adulte (on recense environ 70 millions d’armes de poings) constitue bien évidemment à la fois un sentiment de sécurité pour son porteur et une source de danger pour les autres. En 2022, il y a eu 14 789 homicides et environ 25 000 suicides par armes à feu. La justice américaine applique des peines d’emprisonnement et des sanctions financières lourdes et très sévères aux assassins, aux traficants et aux récidivistes avec dans de très nombreux Etats, aucune remise de peine. Donald Trump affirme que ce sont les immigrants illégaux qui sont les principales sources d’insécurité et propose à tous les policiers de ne pas hésiter à faire usage de leurs armes en cas de danger en face d’un immigré.

 

En France l’insécurité est essentiellement due à des comportements agressifs dans des lieux publics, à la guerre des gangs, dans des zones de trafic de drogue et dans les zones de non droit. Les « zombies » à l’oxycontine ou aux héroïnes de synthèse sont rarissimes dans les centres villes. Alors que le port d’armes à feu n’est pas un droit français, il y a une très forte recrudescence de jeunes et de très jeunes qui n’hésitent plus à se servir d’armes léthales lorsqu’ils sont en difficulté ou comme plus récemment lorsqu’ils le font en commandite. L’arsenal judicaire français n’est pas l’américain, les petits délits ne sont guère punis, l’excuse est un argument pour les mineurs, les multirécidivistes existent et sauf cas tout à fait exceptionnel, les remises de peine font partie de la loi lorsque la moitié de la peine a été purgée. Depuis des décennies le Rassemblement National a établi une corrélation linéaire entre immigration et insécurité. Là encore il est intéressant de citer Jacques Julliard qu’il est difficile de classifier de raciste factieux invétéré lorsqu’il écrit page 1031 dans l’Esprit du Peuple : « A aucun moment il n’est question de punir ou d’éradiquer cette délinquance, dans le meilleur des cas, aider les victimes à se protéger, c’est-à-dire entériner l’existence de ces phénomèmes »

 

Deux autres thèmes d’intérêt commun ont également retenu notre atttention

La Chine

C’est l’un des très rares thèmes majeurs de politique sur lequel il y a une position claire et bipartisane entre Républicains et Démocrates. Depuis 2016 la Chine est considérée comme la « menace structurelle » pour les Etats-Unis. Pendant des décennies, pour les Américains la Chine était « l’usine du monde » qui copiait les pays développés et leur vendait des produits bon marché dont ils étaient les premiers consommateurs. Depuis moins de dix ans, les Etats-Unis se rendent compte que la Chine est devenue une puissance économique (la deuxième), une puissance politique et diplomatique (au sein des BRICS avec sa propre monnaie hors de la zone dollar) et surtout militaire dans la zone Pacifique sud. Elle devient de plus une puissance d’innovation technologique ce que les Etats-Unis ne supportent pas. Ils n’ont pas voulu voir que depuis 30 ans la Chine formait 2 millions d’ingénieurs et de chercheurs tous les ans, et qu’elle en envoyait 300 000 tous les ans à l’étranger pour parfaire leur formation et que la grande majorité de ces derniers, tôt ou tard reviennaient au pays. Dans tous les domaines scientifiques et technologiques, la Chine rattrape son retard. « Ils ne sont pas plus bêtes que nous, et ils sont beaucoup plus nombreux » aimait à dire Jean-Pierre Raffarin lorsqu’il en parlait en fin connaisseur.  C’est en 2019 que les experts américains ont compris que les Chinois les avait égalés dans la course à l’espace. Le 3 janvier 2019, les ingénieurs chinois ont non seulement fait poser la sonde rover Yutu-2 sur la face cachée de la Lune, mais ils ont été capables de la faire communiquer, et d’analyser des échantillons de roche. Le rover Yutu-2 avait été conçu pour une mission de courte durée. En 2024, il continue à défier toutes les attentes en poursuivant ses opérations depuis près de six ans. Les ingénieurs américains n’étaient jamais parvenus à cette performance et sont parfaitement conscients qu’il ne s’agit pas là de copie ou de vols d’inventions américaines, mais bien d’exploits technologiques chinois majeurs. Les dirigeants politiques chinois ont clairement affiché, qu’en 2049, lors de la célébration du centenaire de la proclamation de la République Populaire de Chine, la Chine aurait rejoint les Etats-Unis dans tous les domaines économiques et technologiques. Elle s’est très prudemment gardée de citer le secteur militaire.

 

En France on ne pense pas Chine comme aux Etats-Unis, l’Empire du Milieu ce n’est plus un concurrent depuis longtemps, c’est un pays « émergé ». Néanmoins on pense encore Chine = « usine du monde » productrice de produits de piètre qualité, alors que depuis longtemps la stratégie du pays est de devenir le « laboratoire du monde ». Là où les Etats-Unis pensent Chine, la France pense mondialisation et souffre indirectement d’un syndrome de ne plus avoir la maîtrise ni de sa monnaie, ni de son économie, ni de sa production industrielle et agricole. A ce sujet il faut admettre qu’à partir des années 2 000 la France a préféré se désindustraliser au profit de métiers de service, moins délocalisables, moins contraignants, moins polluants. Vingt cinq ans plus tard, elle a en grande partie perdu sa souveraineté de production et sa souveraineté économique. « Plus le monde devient divers plus les Français se sentent perdre le contrôle de leur identité » écrivait Dominique Moïsi dans une de ses chroniques du lundi dans les Echos. Les Etats-Unis sont toujours « garants » du roi dollar et de sa puissance économique, bancaire et législative. L’Amérique fut elle de Trump ou de Harris continuera inlassablement à produire son énergie à bas prix. « Nous n’avons pas de pétrole, mais nous avons des idées » fanfaronnait Valérie Giscard d’Estaing lors du choc pétrolier de 1973. Dans sa logorrhée simpliste et actuelle Trump dit « Drill, drill, drill. »

 

Le déclassement.

Aux Etats-Unis c’est celui de la classe moyenne blanche qui voit que l’ascenceur social qu’elle a connu et admiré ne fonctionne plus pour elle. Dans le passé récent un « salarié » dans une entreprise manufacturière pouvait fonder une famille, acquérir une maison et payer des études à ses enfants afin qu’ils aient un meilleur sort que le sien. Aujourd’hui c’est quasi impossible, s’il peut encore espérer acquérir un bien, c’est rigoureusement impossible de financer des études universitaires où les frais d’inscription et de scolarité se chiffrent en dizaines de milliers de $ par an.

 

En France la situation est très différente. Alors que les frais d’éducation et de santé, qui représentent des sommes colossales pour un ménage américain, sont quasiment gratuits pour leurs homologues français, c’est néanmoins ce même sentiment de déclassement et d’arrêt de l’ascenceur social qui domine dans la classe moyenne en France. Les causes en sont donc très différentes et mériteraient une analyse plus approfondie que celle abordée ici.

 

Il existe de nombreux autres sujets de politique américaine qui affecteront ou influenceront les enjeux politiques français tels que le protectionnisme au travers de l’Inflation Reduction Act (IRA) du Président Joe Biden ou la structuration et le financement de l’OTAN, mais dont les impacts ne résonneront pas de manière aussi intense en France.

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Notre message est une fois encore que « comparaison n’est pas raison », mais que des similitudes structurelles, conjoncturelles ou économiques entre les Etats-Unis et la France existent et qu’elles sont mises en exergue et exploitées de manière comparable par des populistes nationalistes qui, en « trumpisant » les messages, prétendent apporter des solutions simplistes à des problématiques complexes qui les dépassent.

 

 

Paris, 15 septembre 2024

 

 

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