Quelle est la différence entre un fou et un génie? Le succès

 

Bonjour à toutes et à tous.

 

Depuis l’annonce des « tariffs » faite par Donald Trump lors de son intervention de « Liberation Day », je suis sollicité par certains d’entre vous pour y apporter mes commentaires. Je n’ai pas pour habitude de commenter les évènements politiques à chaud et je vais me contenter d’en apporter quelques uns qui me semblent pertinents à ce jour.

Primo, tout au long de sa campagne électorale Donald Trump avait annoncé toutes les actions qu’il met en œuvre depuis son intronisation du 20 janvier 2025. La surprise vient que, pour une fois, un politique fait ce qu’il avait dit et ceux qui ne l’en croyaientt pas capable se sont lourdement trompés.

Secundo, Donald Trump a compris lors de son premier mandat que ce qui n’était pas mis en place très rapidement ne le serait que très difficilement par la suite. En conséquence il agit vite et fort.

 

Ce qui est inattendu et disruptif pour nombreux d’entre nous c’est la méthode utilisée : brutale, par décrets mis en scène, sans concertation préalable et exécutés sans réserve, aux Etats-Unis par des personnes choisies comme Elon Musk ou Robert Kennedy Jr., à l’externe aussi bien envers les ennemis de toujours qu’envers les alliés de toujours.

Le résultat des cent premiers jours est limpide : c’est le chaos total recherché. Chaos géopolitique avec des menaces impérialistes sur le Canada et le Groenland, chaos économique (on parle de 10.000 milliards de dollars de perte dans les Bourses mondiales en tout juste trois séances, dont près de la moitié aux Etats-Unis), chaos diplomatique où tous les accords multilatéraux impliquant les Etats-Unis sont remis en cause, chaos institutionnel puisque le Président Trump gouverne pas décrets présidentiels en ne se préoccupant ni de l’avis, ni du vote du Congrès américain, ni des injonctions des juges qui déclarent inconstitutionnels un nombre croissant des décisions et des actions mises en œuvre depuis le 20 janvier 2025. Comme Bolsonaro ou Bukele avant lui,  Donald Trump considère que le chaos est le sceau des dominants. La première loi du comportement d’un dirigeant c’est l’action. Pour Donald Trump il s’agit de l’action inattendue, celle qui crée de la sidération en transgressant les règles formelles.  Président élu par 77 284 118 électeurs (en réalité par 321 grands électeurs) il estime et affirme la prééminence de toutes ses décisions et ses actions sur celles de la Chambre du Congrès (un espace de palabres inutiles selon ses dires) et un tout petit peu moins sur celle du Sénat co-présidé par le Vice-Président J.D. Vance.

L’autre surprise lorsqu’on utilise un prisme européen est que les Démocrates américains ne s’expriment quasiment pas, comme s’ils étaient encore dans la sidération des évènements depuis le vote de novembre 2024 et surtout depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Barak Obama s’est exprimé le 3 avril devant des étudiants à New York en demandant mollement aux Américains de défendre les valeurs démocratiques et plus précisément en disant en dix mots laconiques :  « It is up to all of us to fix this. » Kamala Harris, pour sa part, s’est contentée de dire « Fear has a way to being contagious ». Il semble qu’on soit très éloigné d’une contre offensive structurée des Démocrates pour tenter de gagner les élections de Mid Term en novembre 2026

 

Pourquoi la recherche voulue de ce chaos qui semble être perdant-perdant ? Tous les conseillers autour de Donald Trump ne sont pas des crétins et ils doivent bien avoir une ou des raisons. N’étant ni dans leur secret ni adepte de leur méthode, à l’heure actuelle, je n’imagine qu’une seule raison. La sortie de ce chaos orchestré va créer un nouvel ordre mondial dont les Etats-Unis vont finalement sortir gagnant, grâce à leur capacité d’innovation, grâce à la puissance du dollar,  grâce aux nouveaux monopoles américains qui vont en émerger. Quelques oligarques décomplexés de la Silicon Valley et des  penseurs partagent cette vision libertarienne d’une destruction de l’appareil d’Etat et des accords internationaux pour construire de nouveaux monopoles : Elon Musk, Peter Thiel, Sam Altman,  Curtis Yarvin et d’autres qui se réfèrent à Ayn Rand et à son «  égoïsme rationnel ». Donald Trump fait le pari risqué qu’une attaque économique massive et inattendue sur le reste du monde  lui coutera moins cher qu’une défense multilatérale à venir dont la Chine serait le meneur. De surcroît ce nouvel ordre mondial serait, selon lui,  moins favorable à la croissance chinoise et à sa volonté affichée à devenir la première puissance économique en 2049. L’argument n’est pas très puissant mais à ce moment précis je n’en vois guère un autre.

 

Je constate néanmoins une erreur majeure dans ce concept et que je formule dans la réflexion suivante : l’innovation est très souvent le fruit d’une contrainte plus ou moins intense, plus ou moins durable. Donald Trump met une énorme contrainte sur environ 6 milliards d’humains (il exclut les USA, la Russie, la Hongrie, l’Argentine, le Salvador  et quelques autres pays amis). Il est difficile d’imaginer qu’il n’y aura pas quelques idées et actions intelligentes qui vont émerger de la réflexion de ces humains qui sont dorénavant mis sous une contrainte violente et sans précédent dans l’ère moderne. Ces réponses encore peu structurées montreront, dans quelques années, que les « tariffs de Trump » seront une ineptie dépassée. Néanmoins d’ici là le monde va subir les coups de boutoir d’un homme qualifié de « transactionnel » qui se dit qu’au bout du bout lui en sortira gagnant. On est loin du « MAGA » affiché durant la campagne électorale

 

Nous n’assistons pas simplement à des évènements imprévisibles et déroutants, nous assistons à un changement d’époque.

 

Bonne lecture

Jean-Claude

 

PS . Je cite deux passages du Prince de Nicolas Machiavel dont la ressemblance avec des situations récentes ne peut pas être que fortuite

 

« Les hommes (on pourrait dire les Nations) doivent être caressés ou écrasés : ils se vengent des injures légères ; ils ne le peuvent quand elles sont grandes, d’où il suit que, quand il s’agit d’offenser un homme, il faut le faire de telle manière qu’on ne puisse redouter sa vengeance. »   et quelques pages plus loin…

« Le pouvoir légitime, les normes de son exercice et de sa transmission laissent indifférent le Prince car ils n’appartiennent plus à la réalité qui l’entoure. Ce qui intéresse le Prince c’est de comprendre comment le pouvoir s’affirme au milieu du chaos quand tout le monde se bat contre tout le monde et que la force redevient la seule règle du jeu. »

 

On pourrait croire que Donald Trump a lu Machiavel, sauf qu’il est connu qu’il ne lit rien, pas une demi-page, pas même une seule ligne des notes que lui préparent ses conseillers.

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