Les Thérapeutiques de la Maladie D’Alzheimer

 

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Author: Jean-Claude Muller, 穆卓Executive Editor at BtoBioInnovation  jcm9144@gmail.com

 

 

Congrès SDS : Le Cerveau dans tous ses Etats (Marseille, le 31 mai 2024)

 

Les Thérapeutiques de la Maladie D’Alzheimer : Faits, Tendances et Obstacles.

 

(an English version is available upon request)

 

La maladie d’Alzheimer, est un trouble neurologique qui, en 2024, atteint 50 millions de personnes dans le monde et l’OMS estime que ce nombre devrait passer à 152 millions en 2050. En France cette maladie affecte plus d’un million de personnes avec 225 000 nouveaux cas chaque année. Cette maladie a un coût économique de plus de 20 milliards d’euros par an pour le pays. En un mot, la maladie d’Alzheimer est une « démence où le patient oublie qu’il oublie ». Pendant près d’un siècle les scientifiques n’avaient aucune hypothèse réaliste des causes de la maladie et ont dû se focaliser sur les symptômes et leurs améliorations. C’est l’époque de l’approche symptomatologique basée sur des échelles comportementales. Les médicaments issus de cette approche : Donezépil, Galantamine, Rivastigmine et Mémantine, qui ne sont plus remboursés en France depuis 2018, n’ont pas d’effet sur les lésions cérébrales mais semblent améliorer certains symptômes.

Les progrès récents dans la compréhension du fonctionnement du cerveau, des causes de la maladie et de la mise au point d’outils diagnostiques quantifiables ont permis l’identification d’une classe de molécules avec un effet significatif sur le ralentissement de la maladie.

En 1991, John Hardy émet l’hypothèse que le déclencheur de la maladie d’Alzheimer est dû à l’accumulation de plaques amyloïdes et à l’apparition de protéines Tau anormalement phosphorylées et in fine de dégénérescence neurofibrillaire. C’est le début d’une recherche connue sous le nom de « cascade amyloïde », l’hypothèse prépondérante à ce jour, même si elle n’est pas totalement satisfaisante. Les plaques amyloïdes qui se forment à l’extérieur des neurones, durant une quinzaine d’années avant l’apparition des premiers symptômes mnésiques sont des agrégats de peptides béta-amyloïdes peu solubles. L’accumulation de protéines Tau hyper-phosphorylées qui se fait à l’intérieur des neurones, forme des enchevêtrements, détruit un système de transport de protéines semblable à « une autoroute cellulaire » au sein du neurone et entraine sa mort progressive.

On a identifié trois facteurs génétiques impliqués dans la maladie d’Alzheimer : le gène APOE qui code pour l’apolipoprotéine une protéine qui transporte le cholestérol. Les gènes de la famille des présénilines (PSEN1 et PSEN2) et le gène APP qui codent des protéines de production de la béta-amyloïde. Il existe une forte corrélation entre la maladie d’Alzheimer et le syndrome de Down (Trisomie 21). Les sujets trisomiques 21 produisent plus de protéine béta-amyloïde que les sujets normaux. Il est très probable que les six millions de personnes atteintes du syndrome de Down développeront une forme de la maladie d’Alzheimer, s’ils dépassent l’âge de 40 ans.

Deux outils diagnostiques : l’imagerie fonctionnelle par IRM et le dosage précis des protéines tau et des peptides béta amyloïdes dans le liquide céphalo-rachidiens (LCR), ont été décisifs dans la découverte des nouveaux traitements. Dans le cas de l’IRM, la méthodologie la plus puissante à ce jour est le PET Scan, ou tomographie par émissions de positrons induites par des traceurs radioactifs des protéines Tau ou de peptides béta-amyloïdes. C’est devenu la technologie la plus répandue et acceptée par les autorités de santé pour diagnostiquer avec précision une pathologie Alzheimer. C’est sur la base de ces nouvelles technologies que l’industrie pharmaceutique a recherché des traitements thérapeutiques et a subi une série d’échecs majeurs pendant 25 ans, ce qui explique que de très nombreuses sociétés se sont désengagées de ce domaine. Les quelques rares rescapés ont été Esai au Japon, Biogen et Eli Lilly aux Etats-Unis et Roche en Europe.

En 2024, pour la première fois, la communauté scientifique et médicale dispose de deux molécules de ce que l’on appelle une Disease Modifying Therapy (DMT) un agent capable de faire régresser l’évolution de la maladie d’Alzheimer. Il s’agit du lecanemab (Esai et Biogen) et du donanemab (Eli Lilly). Ce sont deux anticorps monoclonaux de synthèse qui ciblent des fragments de béta-amyloïdes. Les résultats cliniques du lecanemab ont été publiés dans le New England Journal of Medicine en janvier 2023 et ceux du donanemab dans le Journal of American Medicine en juillet 2023. Ces produits ont montré une efficacité clinique modeste chez des patients dans la phase précoce de la maladie. Lecanemab a été approuvé par la FDA le 6 juillet 2023, au Japon le 25 septembre 2023 et en Chine en fin d’année et est commercialisé sous le nom de Lequembi par Esai et Biogen. Donanemab de Eli Lilly est en cours d’enregistrement aux Etats-Unis. Aucune des deux molécules n’est encore approuvée en Europe. Aucun des anticorps anti-amyloïde enregistrés ou en cours d’études n’a montré une efficacité sur des formes tardives de la maladie d’Alzheimer. Tous les anticorps ciblant les peptides béta-amyloïdes ont induit un effet secondaire dénommé ARIA (Amyloid-Related Imaging Abnormalities) qui n’est visible qu’à l’imagerie cérébrale. Il s’agit d’oedèmes, souvent asymptomatiques, qui peuvent se transformer en microhémorragies en même en léger AVC. Bien que la cascade amyloïde ait trouvé une première validation, d’autres approches pharmacologiques sont à l’études dont l’hypothèse infectieuse et celles qui abordent les phénomènes inflammatoires chroniques. Les approches qui combineront des agents capables de restaurer la plasticité synaptique, protéger les neurones d’un stress métabolique continu, activer la fonction microgliale et débarrasser le cerveau de débris toxiques sont les plus prometteuses.

Comme ce fut évoqué par les docteurs Thierry Botrant et Mira Didic juste avant moi, des approches non-médicamenteuses sont largement utilisées par le corps médical. Je n’en citerais que quelques unes bien rapportées dans la base de données clinicaltrials.gov consacrées à la maladie d’Alzheimer: la musicothérapie, la stimulation de la réserve cognitive, l’activité physique régulière, la médecine traditionnelle chinoise, la stimulation photonique ou par luminothérapie et l’apport d’éléments nutritionnels souvent déficients chez ce type de malades.

Enfin il est essentiel pour ces malades de favoriser un environnement calme d’organiser des interactions sociales régulières apaisantes et de stimuler leur mémoire émotionnelle. « « Si la maladie d’Alzheimer paralyse progressivement l’ensemble des zones du cerveau, les recherches récentes ont monté que les amygdales cérébrales, elles, demeuraient intactes. Or, elles hébergent les neurones impliqués dans la mémoire émotionnelle. Les malades ont du mal à se souvenir de ce qu’ils ont fait il y a une heure, en revanche, les sensations ressenties restent ancrées. »

En conclusion

Des progrès considérables dans le diagnostic et le pronostic de la maladie d’Alzheimer (IRM, TEP, dosage de protéines dans le LCR et bientôt dans le sang) ont été réalisés. Une première validation thérapeutique de la « cascade amyloïde » avec des résultats cliniques encore très modestes est disponible. Des stratégies mettant en œuvre la combinaison d’approches anti-amyloïdes avec des agents agissant également sur la fonction neuronale et la fonction gliale sont à l’étude. Des approches qui combineront des traitements médicamenteux et non-médicamenteux avec une approche sociétale deviendront la norme.

C’est en continuant à progresser à la fois sur la compréhension des mécanismes inhérents à la maladie, sur l’identification de biomarqueurs peu invasifs et sur la stimulation des interactions sociales et de la mémoire émotionnelle de patients atteints de la maladie Alzheimer que, dans la prochaine décennie, on peut envisager, la découverte de traitements qui feront significativement régresser l’évolution de cette pathologie.

 

Paris, June 4, 2024

 

 

 

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