Médecine Traditionnelle Chinoise Hier et Aujourd’hui.

 

                                                                          

 

Médecine Traditionnelle Chinoise Hier et Aujourd’hui.

 

 

La Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) est connue depuis plus de 3 000 ans en Chine et, en Occident, depuis le début du XVIIème siècle, lorsque des Jésuites ont découvert puis étudié cette discipline.

La MTC est une approche holistique qui prend en compte tout l’environnement du sujet et qui propose une solution préventive ou médicale globale de l’environnement : méthode de relaxation (taïchi, musicale..), de la gestion de la respiration et du souffle, des énergies internes, de l’alimentaire et d’effets thérapeutiques (acuponcture et médicinale).  En fait elle recherche avant tout le bien être de l’individu. C’est une pratique médicale qui est à la fois préventive et curative pour le sujet.

L’approche MTC se préoccupe d’un individu et non pas d’une cohorte de patients. Elle est très différente de celle pratiquée en Occident : elle aborde le sujet dans sa composante holistique versus l’étude d’un organe déficient ou d’une pathologie ciblée. Les traitements thérapeutiques sont réalisés à l’aide d’extraits de plantes médicinales, connues pour leurs propriétés depuis des millénaires, de manière très analogue à ce qui a été pratiqué en Occident, mais à une échelle bien plus considérable. Ces extraits ne sont pas pris au hasard mais selon un principe ancestral connu sous le nom de Jun-Chen-Zuo-Shen

 

Jun (Empereur) est l’herbe qui contient les principes actifs majeurs ciblant un état physiologique.

Chen (le ministre) contient l’herbe qui permet de soulager des symptômes et de renforcer l’activité de Jun.

Zuo (l’assistant) est l’herbe qui réduit les effets secondaires.

Shi (le messager) qui facilite le transport des principes actifs et qui apporte de l’harmonie à l’ensemble.

C’est un principe qui décrit un système complexe où la synergie est au cœur de la compréhension et de l’explication de l’activité. Ce principe controversé a longtemps été challengé par l’Occident parce qu’il n’était pas compris et que même à ce jour, il ne peut être analysé que par une analyse systématique ou système à système (S2S) peu ou pas utilisée en médecine occidentale. De plus il ne résiste pas à des méta-analyses rétrospectives tels que l’Occident en pratique sur des cohortes de patients. C’est un principe qui est, depuis peu étudié par des scientifiques chinois qui veulent justement faire la démonstration de son efficacité par une analyse S2S complexe rendue possible par la biologie des systèmes et des algorithmes sophistiqués et puissants.

 

Pendant tout le vingtième siècle il y a eu refus de l’Occident à adopter l’approche TCM à un moment où seul des approches scientifiques rigoureuses ont été admises. Aux yeux de l’Occident la MTC est très empirique avec pas ou peu de fondements scientifiques vérifiables. Ces effets ne sont pas ou peu reproductible dans des études cliniques menées selon des critères occidentaux. De plus, vu depuis l’Occident, les mélanges de plantes sont très souvent mal caractérisés et les principes actifs constitutifs sont rarement identifiés. Les traductions en Français ou en Anglais des textes décrivant les plantes chinoises et leurs utilisations n’étant guère rigoureuses, elles ne permettaient pas une reproductibilité des traitements. Enfin, et ce n’est pas négligeable, l’approvisionnement en plantes médicinales chinoises n’était souvent pas aisé lorsqu’il n’était pas simplement interdit.

 

La médecine occidentale cherche des causes bien définies afin d’expliquer une pathologie, un état physiologique déficient et les symptômes associés, et pour le démontrer, elle pratique des études cliniques contrôlées, randomisées qui apportent des données statistiques validées. C’est d’abord une approche « symptômatologique » Elle rend parfois silencieux les symptômes ce qui rassure le patient mais sauf cas exceptionnel elle ne s’attaque pas aux causes de la pathologie ou de l’état général du sujet. C’est néanmoins une approche couronnés de très nombreux succès (infectiologie, cancérologie, cardiologie, diabétologie), mais elle est rarement préventive et elle n’est pas une réponse à tout, ce qui explique que des scientifiques reviennent étudier et comprendre les fondements même de la MTC.

 

Le point de vue de la MTC est que l’approche occidentale est trop simpliste, trop réductrice et qu’elle sous-estime les facteurs spécifiques de chaque individu dans son état de santé. L’approche MTC ne se contente pas à réduire une pathologie à une seule cause et préconise une approche holistique où de nombreux facteurs sont abordés. C’est une approche qui prend en compte la complexité des phénomènes en abordant la rencontre entre un patrimoine génétique individuel et un environnement, bien qu’elle n’ai pas eu connaissance des sciences génomiques par le passé

 

La MTC aujourd’hui

 

Trois évènements d’importance sont survenus au cours des deux dernières décennies :

 

Depuis le début des années 2000, des scientifiques et médecins chinois, formés à la science occidentale, très souvent aux Etats-Unis, abordent la MTC selon des critères, des fondements et des méthodes scientifiques et rationnelles, afin de les expliquer aux scientifiques occidentaux. Ils sont quasiment les seuls à pouvoir réaliser ces études, car tout l’historique qui sous-tend leurs études n’est disponible qu’en Chinois.

 

2011: la chinoise Youyou Tu reçoit le prix Albert-Lasker pour la recherche médicale clinique (Nobel américain) qu’elle a menée sur le paludisme et en 2015, elle reçoit le prix Nobel de Physiologie et Médecine pour ses travaux sur l’artémisine, un nouvel antipaludique puissant, extrait de plantes médicinales chinoises connues sous le nom de l’armoise annuelle. Youyou Tu est membre de l’Académie de Médecine Traditionnelle de Chine à Pékin. Ces deux prix ont apporté un éclairage complètement nouveau sur la MTC et son potentiel préventif et thérapeutique.

 

En Juin 2018, l’OMS, sous l’impulsion constante du Docteur Margaret Chan, son directeur de 2006 à 2017, publie la 11ème édition de sa classification internationale des maladies et des affections qui lui sont liées (CIM) mieux connue sous le nom de ICD (International Classification of Diseases and Related Health Problems) avec un chapitre important sur la MTC. Cette classification qui sera adoptée lors de l’Assemblée Générale de l’OMS en 2019 entrera en vigueur en 2022 (cf. annexe)

 

Intérêts dans la MTC modernisée

 

Dès 2005, alors que j’étais en charge du projet « Initiative R&D en Chine » pour Sanofi, j’ai été exposé de manière concrète aux principes de MTC. A partir de 2008, lorsque j’assumais la Direction de la Prospective et les Initiatives Stratégiques chez Sanofi, plusieurs scientifiques chinois sont venus me présenter les nouveaux projets de MTC qui démarraient en Chine. Leur but était clairement d’apporter des éléments scientifiques aux évidences cliniques existants depuis plus de 3 000 mille ans en Chine mais peu compréhensibles pour les occidentaux.

Depuis, et au travers de plusieurs missions en Chine et de mes activités de conseil chez Innovation & International Relationship (France), BtoBioinnovation (France) et Qiagen Suzhou (Chine), j’ai eu l’occasion de suivre les évolutions des nouveaux concepts en MTC et de rencontrer quelques porteurs de projets à l’international.

 

Les nouveaux apports des scientifiques chinois

 

La classification rigoureuse des espèces de plantes connues et reconnues comme étant largement utilisées en MTC a amené au recensement de 3 106 termes bien établis et une traduction rigoureuse en anglais de chacun des termes (plantes, espèces, géolocalisation, utilisation, ….). Sur la majorité des plantes retenues on dispose, à ce jour, d’une analyse scientifique réalisée par des méthodes physico-chimiques modernes, de la composition des principes actifs, qui démontre qu’il s’agit bien d’un mélange de principes actifs en faible quantité qui vont ou peuvent agir sur plusieurs cibles biologiques pertinentes d’une pathologie donnée.  De plus il existe à présent des publications relatant une véritable nomenclature des compositions des plantes, de leurs principes actifs spécifiques ainsi que les mécanismes d’action impliqués pour chacun d’entre eux. Ces nouvelles données permettent d’affirmer que : la MTC fonctionne parce qu’elle aborde plusieurs cibles biologiques en même temps, ce qui est à l’opposé des dogmes occidentaux récents : une pathologie- un médicament. C’est une différence fondamentale de paradigme par rapport à l’approche médicale occidentale. La MTC cherche justement à démontrer que l’approche multi-cibles est plus puissante et plus efficace pour TOUTES les pathologies connues, que l’approche occidentale. L’argument devient d’autant plus pertinent et puissant depuis que des percées majeures récentes en immunologie, en cancérologie ou en infectiologie ont été obtenues par la médecine occidentale au travers d’une approche multiple (« multi-targets ») : Tri thérapie pour le SIDA, double et triple thérapie en oncologie (chimiothérapie + immunothérapie + radiothérapie).

Pour illustrer ces progrès, je me réfère, ci-après, à un travail mené par Dennis Chang (Xiyuan Hospital à Pékin et National Institute of Complementary Medicine à Sydney en Australie) depuis 2010. Son équipe a démarré une étude clinique internationale et multi-centrique pour traiter la démence vasculaire avec une composition connue sous le nom de Sai Luo Tong (SLT) qui constitue une approche MTC originale. Ce groupe de scientifiques et de médecins a identifié une vingtaine d’espèces de plantes utilisées en MTC pour le traitement de cette pathologie en Chine.  Après une étude approfondie le groupe en a retenu trois plus particulièrement : Gingko biloba, Panax ginseng et Crocus sativus (saffran). Au lieu d’utiliser, comme c’est le cas en Chine, une simple infusion de ces plantes, Chang et son équipe ont réalisé une extraction ciblée des principes actifs connus, pour chacune des plantes. Ils ont ensuite pondéré la quantité d’extrait de chaque plante, selon un protocole pré-clinique habituel, et ont constitué une formulation unique, robuste, standardisée et reproductible comme le font les scientifiques et les pharmaciens galénistes en Occident. Cette composition unique consistant en dix principes actifs reconnus, du nom de SLT, est actuellement testée en clinique humaine en Chine et en Australie selon une méthodologie occidentale : patients randomisés, étude en double-aveugle, dosages contrôlés, évaluation versus placebo, méthodes d’investigations modernes et reconnues (IRM, SPECT scan pour mesurer le flux sanguin, l’apport en oxygène et en glucose dans des régions spécifiques du cerveau). Des résultats plutôt encourageants des fonctions cognitives, obtenus sur 325 patients suivis pendant 12 mois, ont été publiés fin 2016. Si cette étude se confirme sur un plus grand nombre de patients, elle fera la démonstration que cette approche particulière de MTC moderne est viable et qu’elle viendra en complément des approches thérapeutiques occidentales. Mes contacts chinois m’affirment qu’une dizaine d’essais comparables se préparent ou sont déjà en cours en Chine et que leurs auteurs sont activement à la recherche de partenaires pour leur apporter une validation occidentale.

 

Les autorités chinoises ont indiqué qu’elles étaient à la recherche de 30 centres hors de Chine, sur les étapes de la « Nouvelle Route de la Soie », qui iraient s’engager sur une approche MTC. Fin 2017, 17 centres ont déjà été identifiés et sont en cours de validation dans les Emirats Arabes Unis, le Kazakhstan, la Malaisie, en Hongrie et à Barcelone.  Fin 2020, tous les centres devraient être validés afin de lancer un grand programme de MTC en Chine et hors de Chine avec des compositions nouvelles et reproductibles. Le Professeur Gabert et des équipes scientifiques et médicales de AP-HM à Marseille se sont positionnés comme candidats à cette sélection auprès des autorités chinoises.

 

Nous sommes aujourd’hui quelques-uns en France qui cherchons à sensibiliser, pas du tout à évangéliser, à cette nouvelle voie d’approche de prévention et de thérapeutique holistique, efficace en elle-même, mais très probablement également en combinaison avec des solutions thérapeutiques occidentales. C’est dans ce cadre que se positionne mon intervention dans le « Colloque ; La Prévention, Vecteur de Défense de la Société, » organisé à Marseille le 12 Octobre 2018.

 

 

Annexe

 

L’OMS publie sa nouvelle Classification internationale des maladies (CIM-11)

 

Genève, 18 juin 2018 

Communiqué de presse

 

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) publie aujourd'hui sa nouvelle Classification internationale des maladies (CIM-11).

La CIM sert de base pour établir les tendances et les statistiques sanitaires, partout dans le monde, et contient environ 55 000 codes uniques pour les traumatismes, les maladies et les causes de décès. Elle fournit un langage commun grâce auquel les professionnels de la santé peuvent échanger des informations sanitaires partout dans le monde.

«La CIM est un produit dont l’OMS tire une grande fierté » a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS. « Elle nous permet de comprendre tant de choses sur les facteurs de maladie et de décès et sur les mesures à prendre pour empêcher la souffrance et sauver des vies.»La CIM-11, qui a demandé plus de 10 ans de travail, comporte des améliorations significatives par rapport aux versions antérieures. Pour la première fois, elle est complètement électronique, et présentée sous un format bien plus convivial. De plus, la participation des professionnels de santé a pris une ampleur sans précédent, moyennant des réunions collaboratives et la soumission de propositions. L’équipe de la CIM au Siège de l’OMS a ainsi reçu plus de 10 000 propositions de révision. 

La CIM-11 sera présentée à l’Assemblée mondiale de la Santé, en mai 2019, pour adoption par les États Membres, et entrera en vigueur le 1er janvier 2022. La classification publiée aujourd’hui est un aperçu préalable qui aidera les pays à planifier leur utilisation de la nouvelle version, à en établir des traductions et à former les professionnels de la santé. 

La CIM est également utilisée par d’autres intervenants : les assureurs-santé dont les remboursements reposent sur les codes CIM ; les gestionnaires des programmes de santé nationaux ; les spécialistes de la collecte de données ; et d’autres acteurs qui suivent l’action sanitaire mondiale et décident de l’allocation des ressources consacrées à la santé.

La nouvelle CIM-11 reflète également les progrès de la médecine et les avancées de la science. Par exemple, les codes relatifs à la résistance aux antimicrobiens sont plus étroitement alignés sur le Système mondial de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (GLASS). La CIM-11 rend également mieux compte des données relatives à la sécurité des soins, ce qui permettra d’identifier et de réduire des événements inutiles potentiellement préjudiciables à la santé (par exemple un flux des tâches non sécurisé). 

Enfin, la nouvelle CIM comporte de nouveaux chapitres, dont un sur la médecine traditionnelle : alors que des millions de personnes y ont recours dans le monde, elle n’avait jamais été répertoriée dans ce système. Un autre nouveau chapitre est consacré à la santé sexuelle. Il recouvre des affections auparavant classées ailleurs (par exemple, l’incongruence de genre, classée jusqu’alors avec les troubles mentaux) ou décrites différemment. Le trouble du jeu vidéo a été ajouté à la section sur les troubles de l’addiction.

«Un principe essentiel de cette révision était la simplification de la structure de codage et de l’outil électronique : les professionnels de la santé pourront désormais enregistrer les affections de façon à la fois plus rapide et plus complète» a expliqué le Dr Robert Jakob, Chef de l’équipe Classifications, terminologies et normes à l’OMS. 

La Dre Lubna A. Al-Ansary, Sous-Directrice générale chargée du Groupe Métrologie et systèmes de mesure a déclaré : « La CIM est un pilier de l’information sanitaire et la CIM-11 offrira un panorama actualisé des différentes formes que prennent les maladies. » 

Note aux rédactions :

La CIM-11 est liée aux dénominations communes OMS des produits pharmaceutiques et peut servir à l’enregistrement des cancers. La CIM-11 a été conçue pour être utilisée dans plusieurs langues : une plateforme centralisée donne accès aux catégories et descriptions dans toutes les langues traduites. Des tables de transition depuis et vers la CIM-10 facilitent la migration vers la CIM-11. L’OMS apportera un soutien aux pays pour la mise en application de la nouvelle classification.

 

 

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