Un peu de Virologie

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Author: Jean-Claude Muller, 穆卓Executive Editor at BtoBioInnovation  jcm9144@gmail.com

 

 

Eléments de réponses à ma petite fille qui m’interroge sur le COVID-19.

 

 

Les Virus ont-ils un double visage ?

 

 

 

Depuis quelques jours le virus SRAS-COVID-19 occupe toutes nos conversations et son effet pathogène nous est de plus apparent au fur et à mesure que les médecins et les politiques nous en expliquent ou commentent les causes, les conséquences et les mesures à prendre pour s’en prémunir. Depuis que la pandémie au COVID-19 a été déclarée par l’OMS le 11 mars, nous nous préoccupons beaucoup plus de comprendre comment se propage une pandémie virale.  Comme le disait très justement Jérôme Salomon, le directeur général de la santé « Le virus ne circule pas en France, ce sont ce sont les femmes et les hommes qui le font circuler ». Durant son allocution hier soir, le Président Emmanuel Macron a déclaré « Nous sommes en guerre », une guerre sanitaire contre le COVID-19.

 

Nous entendons, nous lisons, nous comprenons, nous croyons, ou ne croyons pas ce qui se dit et s’écrit sur ce virus, mais que connaissons nous plus précisément des virus ?

 

Virus : le mot est presque toujours associé à une pathologie dangereuse, voire mortelle et qui dans les cas extrêmes est synonyme de panique. L’Europe se souvient des plusieurs dizaines de millions de morts dus à la grippe espagnole entre 1918 et 1919. Le monde entier s’est trouvé ébranlé par l’arrivé soudaine du VIH en 1983 et des dizaines de milliers de morts dans une population jeune. L’Asie n’est pas en reste avec le SRAS en 2003, le MERS au Moyen Orient en 2012 et puis COVID-19 en 2019, trois coronavirus induisant des détresses respiratoires mortelles. Enfin l’Afrique occidentale avec le virus Ebola, connu depuis 40 ans, qui, en 2014, s’est soudain répandu au Congo, en Guinée, au Sierra Leone et au Liberia et fait 11 000 morts en quelques semaines.

 

Les virus sont apparus sur Terre, il y a environ 1,6 milliards d’années, sachant que les premiers signe de vie sont apparus il y a 3,5 milliards d’années. L’homme moderne émerge il y a 2,5 millions d’années et Homo Sapiens il y a un peu plus de 100 000 ans. Les virus étaient là bien avant nous, et le seront bien après nous. Les scientifiques débattent et ne peuvent pas prouver qui des bactéries ou des virus est apparu en premier, ni même si le virus est un être vivant. Le virus est un agent de petite taille, entre 10 et 400 nanomètres (10 à 400 millionièmes de millimètre) et n’est visible qu’au microscope électronique. Le virus est un agent qui se réplique en utilisant et en détournant le matériel métabolique d’un hôte, le plus souvent d’une cellule. Selon cette définition c’est un parasite intracellulaire. Il ne se reproduit ni par mitose, ni par méiose, ni par scissiparité. Le mécanisme de contamination par un virus est redoutablement efficace : l’enveloppe du virus est dotée de récepteurs qui reconnaissent des protéines spécifiques d’une cellule hôte. Une fois amarré, le virus produit une enzyme qui perce la paroi cellulaire de la cellule hôte et injecte son ADN, ou son ARN selon le type de virus.  Le matériel génétique injecté reprogramme la machinerie cellulaire de la cellule infectée pour produire de nouveaux virions (nouveaux virus immatures) jusqu’à ce que sous la pression la cellule explose et que les virions aillent traquer de nouvelles cellules. Un cycle de contamination prend entre 10 et 15 minutes et produit entre 100 et 1 000 nouveaux virus. Ensuite soit l’organisme infecté arrive à les éliminer, soit l’organisme meurt. Lorsqu’ un organisme est infecté par un virus, il produit et développe des anticorps qui l’immunisent partiellement ou totalement lors d’une prochaine infection. La vaccination consiste à injecter un virus partiellement désactivé afin que l’organisme développe et fabrique des anticorps spécifiques au virus ciblé et de protéger l’organisme contre ce virus en l’empêchant de se développer dès la première exposition.

 

Tous les virus sont-ils petits ?

Et non, depuis 2003 on sait qu’il existe des virus géants qui sont 20 à 100 fois plus gros que tous ceux connus, des virus qui sont aussi gros que des bactéries et qui sont visibles au microscope optique. L’histoire de ces virus commence en 2003, à Marseille, lorsque les équipes de Didier Raoult et de Jean-Michel Claverie identifient la nature virale d’une bactérie découverte 10 ans plus tôt en Angleterre.  Ces « monstres » biologiques brisent totalement la barrière entre le mode viral et le mode cellulaire. En dix ans les équipes de Marseille ont découvert trois nouvelles familles de Megavirus dans des environnements aussi variés que l’eau des océans, l’eau douce et le permafrost (pergélisol en Français) sibérien.

 

En quoi ses virus géants sont-ils différent des autres virus ?

Comme déjà dit, par leur taille, mais surtout par l’importance de leur génome. Les virus de la grippe ou du VIH ne possèdent guère plus de 10 gènes. Les Mégavirus ont un patrimoine génétique de 1 000 gènes, Pour les plus grands, nommés Pandorovirus, on en a dénombré 2 500, soit autant que pour certaines bactéries. La grande surprise fut de trouver dans ces virus des gènes que l’on ne trouve habituellement que dans des plantes ou dans d’autres systèmes cellulaires et qu’ils se rapprochent très fortement de formes vivantes. D’où une fois de plus la question de qui des deux est apparu en premier dans le monde du vivant. Ce sont également des virus qui sont capables de survivre dans des conditions hostiles (plus de 30 000 ans dans un permafrost sibérien) ou plusieurs heures à hautes températures. Difficile de dire à ce moment ce que nous réserve cette espèce de virus découvert très récemment sous des microscopes marseillais.

 

Les virus géants sont-ils beaucoup plus dangereux que les autres virus.

Ce n’est pas une question de taille, mais de machinerie de reproduction. Ils sont clairement toxiques chez les amibes et éventuellement dans notre propre système respiratoire dans certaines formes de pneumonie. 

 

Comment traiter une maladie virale ?

Il existe deux moyens thérapeutiques contre une infection virale : la vaccinothérapie et les traitements antiviraux. Les antibiotiques (qui agissent contre les bactéries) n’ont aucune activité sur la grande majorité des virus. S’il a été relativement aisé de développer des vaccins contre certains virus : grippe, poliomyélite, rubéole, diphtérie, tétanos, coqueluche, rougeole, il n’en n’est pas de même pour Ebola et surtout pas pour le VIH (35 ans après son émergence, on ne dispose toujours pas de vaccin préventif). Par contre, on imagine qu’il sera assez facile et même très rapide, au plus quelques semaines, de trouver un vaccin contre COVID-19 car c’est un coronavirus qui a beaucoup d’analogies avec SRAS et MERS pour lesquels il existe déjà des vaccins. Les antiviraux sont des agents thérapeutiques qui empêchent ou ralentissent la réplication du virus lorsqu’il est actif dans une cellule hôte. Des agents « désinfectants » : alcool à 60-70%, eau oxygénée, eau de Javel etc., détruisent le virus lorsqu’il se trouve sur des parties inertes (plaques de verre ou de plastiques, poignées de porte, habits, pièces de monnaie, etc…).

 

Donc tous les virus sont nocifs pour l’Homme ?

Non. Sur Terre, on dénombre 3 600 espèces de virus dont 129 sont pathogènes pour l’homme (COVID-19 fait partie de l’espèce coronavirus). Pratiquement tous les autres virus ont un effet protecteur car ils détruisent les bactéries qui sont nocives pour l’homme. Certains de ces virus sont appelés « bactériophages ou phages » et sont programmés pour spécifiquement inhiber l’action de bactéries pathogènes pour l’homme. Le premier de ces bactériophages a été décrit par Félix D’Herelle, en 1917 à l’Institut Pasteur à Paris.

 

Mais alors ne pourrait-on pas utiliser ces « phages » pour combattre les maladies infectieuses. ?

Oui, ce fut un axe majeur de recherche entre 1920 et 1945, jusqu’à la découverte de la pénicilline et d’autres antibiotiques majeurs dont l’activité antimicrobienne était beaucoup plus puissante que celle des bactériophages. Néanmoins les Russes, qui n’ont eu accès aux nouveaux antibiotiques qu’au début des années 50, ont toujours continué à développer et à produire des bactériophages à visée antibiotique. Depuis l’émergence des résistances aux antibiotiques actuels, un grand nombre de laboratoires de virologie, dont l’Institut Pasteur en 2005, ont repris des études sur les effets bénéfiques des bactériophages. Une demi-douzaine de laboratoires dans le monde est en train de recenser tous les bactériophages connus et d’en concevoir de nouveaux. Avec des outils de biologie de synthèse on peut d’ores et déjà génétiquement modifier ces « bactériophages » pour en faire des traitements antibiotiques très différents de ceux à disposition depuis les premières productions de la pénicilline en 1940. Les effets antibiotiques de la pénicilline ont été découvert par Ian Flemming en 1928.

 

Où trouve t’on le plus de virus ?

Dans les mers et les océans.  Les études les plus récentes ont recensé plus de 200 000 espèces différentes de virus et certains chercheurs estiment que le réservoir océanique en renferme probablement plus d’un milliard. Comme si chaque espèce : poissons, crustacés, mammifères, planctons, corail, etc…, avait développé un environnement viral favorable à sa survie.  Ces virus détruisent chaque jour environ 40% des bactéries qui sont dans l’océan et assurent l’équilibre de l’écosystème marin.

 

Où sont les réservoirs de virus ?

Dans les océans, car nombreux sont ceux qui sont emportés par les embruns marins. Certains montent jusqu’à 3 000 mètres d’altitude et retombent sur Terre dans des poussières ou des gouttes de pluie. Sur Terre, dans des organismes particuliers que sont les espèces aviaires et les chauves-souris. La chauvesouris a une température corporelle entre 36 et 40°C et les virus qui y survivent sont plus résistants à la chaleur que ceux des espèces aviaires.

 

Pourquoi voit on apparaitre de nouveaux virus : grippe H1N1, HIV, SARS, MERS, Ebola, COVID-19 ?

Ce sont des virus qui ont vécu dans des espèces « réservoirs » pendant des années et qui suite à un « stress » d’origine inconnue se mettent à muter et à changer une partie de leur coque extérieure appelée capside. Ce « mutant » lorsqu’il est véhiculé vers d’autres espèces, s’y installe plus ou moins durablement et l’espèce infectée devient à son tour un réservoir qui peut transmettre le « mutant » à travers une chaine respiratoire ou alimentaire jusqu’à l’homme (le cas du VIH est inhabituel puisqu’il se transmet par le sang ou le sperme).  Sauf cas exceptionnel, un « mutant » aviaire ou chauve-souris ne se transmet pas directement à l’homme et doit passer par une autre espèce mammifère avant de contaminer les humains. La promiscuité des différentes espèces aviaires (surtout le canard) et mammifères (surtout le porc) dans les fermes rend le transfert vers l’homme beaucoup plus facile.

 

Peut-on utiliser des virus pour développer de nouveaux traitements thérapeutiques ?

Oui c’est déjà vrai dans trois domaines : la thérapie génique, certaines thérapies cellulaires et le traitement ciblé de certains cancers par des virus « oncolytiques ». 

 

La thérapie génique consiste à introduire du matériel génétique dans des cellules pour soigner une maladie. Au départ, cette approche conçue il y a près de cinquante ans, a été conçue pour suppléer un gène défectueux dans le cas de maladie monogénique (un seul gène dysfonctionnel). Le noyau d’une cellule qui contient tout le patrimoine génétique d’un organisme est particulièrement « étanche » à toute entrée de matériel génétique extérieur (c’est un peu comme une coque de sous-marin) pour justement préserver toute son intégrité. Il est donc très difficile de faire pénétrer un acide nucléique (un bout d’ADN) comportant le gène modifié dans une cellule dysfonctionnelle. Les chercheurs ont imaginé utiliser des virus désactivés et ont développé des « vecteurs viraux » afin de faire pénétrer le gène réparé dans la cellule malade. A ce jour il existe deux types de vecteurs viraux les vecteurs intégratifs lorsque l’ADN du vecteur viral s’intègre dans l’ADN de la cellule hôte, les vecteurs non-intégratifs où le gène thérapeutique demeure dans la cellule sans s’intégrer au génome de l’hôte. Ces derniers sont les plus utilisés car éventuellement moins dangereux. Les vecteurs dérivés adénoassociés (AAV) sont les plus utilisés pour un transfert de gène in vivo dans le traitement de maladies monogéniques. Ces vecteurs sont efficaces et bien tolérés à condition que le patient ne possède pas d’anticorps dirigés contre le virus AAV sauvage. Il existe déjà une petite dizaine de médicaments de thérapie génique sur le marché mondial.

Au cours des dernières années l’évolution très rapide des connaissances génétiques et des technologies de mutation génétique dirigée (nucléases ou « ciseaux moléculaires », outils CRISPR) a permis de démultiplier les stratégies possibles et de très largement élargir l’utilisation des virus à visée thérapeutique.

 

Les cellules thérapeutiques ou thérapie cellulaire. Pour la majorité des pathologies complexes il n’y a pas qu’un seul gène à réparer ou à remplacer. En associant thérapie génique et thérapie cellulaire on obtient des cellules qui possèdent les propriétés thérapeutiques recherchées. C’est le cas des cellules CAR T utilisées pour le traitement de cancers. Des lymphocytes de patients sont prélevés, génétiquement modifiés avec des vecteurs viraux pour les armer d’un récepteur chimérique (CAR). Ce récepteur reconnait l’antigène présent sur des cellules cancéreuses ce qui permet de les éliminer une fois que les cellules CAR T sont réinjectées au patient. Deux médicaments utilisant cette technologie sont d’ores et déjà commercialisés.

Les virus oncolytiques sont des virus génétiquement modifiés pour infecter des cellules tumorales et les détruire. Un premier virus oncolytique issu d’une souche de virus d’herpès a obtenu son autorisation de mise sur le marché en 2015 pour le traitement d’un type de mélanome particulier.

 

A la fin de cet exposé qu’est-ce que je dois retenir ?

Si tu veux éviter n’importe quelle contamination virale : tu te laves les mains, tu respectes les distances sociales et tu évites de fumer en présence d’autres personnes.  A chaque fois que tu souffles de la fumée tu rejettes dans l’atmosphère environ 10 000 virus, qui naturellement résident dans tes poumons, ta trachée artère et dans ta bouche. Si ce sont des COVID-19 tu vas contaminer grave….

 

 

 

 

Paris le 17 mars 2020

 

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